VAT in the Digital Age (projet VIDA) et facture électronique : point d’étape

La France avance dans le déploiement de son second volet de facturation électronique. Dans le même temps, de nombreux pays européens mènent leurs projets de dématérialisation pour les flux domestiques et selon leurs propres méthodes. L’Union européenne se préoccupe depuis plusieurs années du besoin d’harmonisation des processus, avec en ligne de mire l’extension de la facture électronique aux flux intracommunautaires notamment.

C’est tout l’enjeu du projet appelé VAT in the Digital Age (VIDA), soit la TVA à l’ère du numérique. Nous vous proposons de faire un point d’étape, notamment sur les actualités VIDA en ce mois de mai 2024.

1 – Qu’est-ce que le projet VIDA ou VAT in the Digital Age ?

La taxe à la valeur ajoutée constitue une source importante de recettes pour l’Union européenne. Qui dit recette financière dit aussi besoin de contrôle et de maîtrise de ce poste essentiel au budget communautaire.

Un besoin d’harmonisation européenne autour de la TVA, la facturation électronique et l’interopérabilité

L’accroissement des échanges et des flux a rendu le système actuel de TVA complexe et souvent inopérant sur le plan du contrôle. En outre, chaque État membre de l’UE fixe ses propres règles. L’ensemble de ces fonctionnements génèrent de la fraude et des surcoûts pour le traitement de la taxe.

Dans le même temps, la dématérialisation des flux et des processus administratifs devrait conduire à de la simplification. Encore faut-il définir des règles communes. 

Le rapport VIDA ou VAT in the Digital Age

Cette harmonisation nécessaire conduit à la publication fin 2022 de deux documents : 

  • le rapport VIDA ;
  • le projet de directive afin de modifier la directive TVA 2006-112-CE relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée.

2 – Les objectifs et les enjeux de VIDA en Europe

La lutte contre la fraude fiscale ainsi que l’amélioration de la performance sur le plan administratif constituent les deux enjeux majeurs de la réforme envisagée pour la TVA en Europe.

Lutte contre la fraude fiscale

VIDA table sur la technologie numérique pour modifier en profondeur le fonctionnement de la taxe à la valeur ajoutée. C’est même l’outil central de la réforme pour combattre la fraude.

Notez que le projet VIDA doit conduire à créer en Europe une base de données unique. Elle porte le nom de VIES central. Ce sont les États membres qui auront la charge de transmettre à cette base les données des assujettis nationaux pour les transactions intracommunautaires. Ce système constituera un nouveau mode de contrôle croisé des flux et des déclarations.

Amélioration de la performance administrative et promotion des processus de numérisation 

Grâce à la dématérialisation, VIDA facilite aussi la circulation des informations, avec des supports optimisés et normés. Les automatismes, la fluidité et le temps gagné doivent améliorer les traitements administratifs et réduire les coûts. VIDA favorise donc le développement du numérique, avec davantage de factures électroniques et à terme une harmonisation des dispositifs.

3 – Les grandes lignes du projet de directive VIDA 

Pour synthétiser, le projet de directive comporte 3 piliers majeurs que nous résumons ici. Ces évolutions viendront s’imbriquer dans des dispositions déjà en place dans de nombreux pays, comme celles de la facture électronique en France. Des ajustements s’imposeront dans le temps.

#1 – Harmonisation des pratiques électroniques des pays : DRR et e-invoicing

Le terme DRR signifie “contrôle transactionnel continu”. L’Europe prévoit ici le déploiement d’un processus obligatoire de reporting pour les transactions transfrontalières au sein de l’Union. Ce pilier 1 de VIDA comprend aussi l’obligation de facture électronique avec des données structurées pour les opérations intracommunautaires. En outre, des contrôles obligatoires entre les États membres de l’UE devront s’effectuer en respectant la norme sémantique européenne, EN 19631.

#2 – Gestion de la TVA pour les opérations réalisées sur des plateformes ou des places de marché

Le développement de l’e-commerce entraîne le besoin d’adapter les règles de TVA. Ainsi, la qualification fictive d’acheteur-revendeur devrait s’appliquer pour les ventes de biens en ligne à des professionnels ou des particuliers, dès lors qu’elles se réalisent sur des plateformes. Les marketplaces dans le domaine de l’hébergement de courte durée et du transport devraient également être concernées.

De ce fait : 

  • c’est la plateforme qui facturerait le client avec la TVA locale ;
  • la vente entre le prestataire ou e-commerçant et la plateforme serait exonérée de TVA ;
  • pour le cas de biens importés vendus à travers ces places de marché, la plateforme devrait passer par le système IOSS.

⚠️ Attention : certaines mesures seraient jugées trop contraignantes pour le développement des petites structures du type marketplace. C’est sur ce point relatif aux fournisseurs présumés que l’Estonie s’est opposée le 14 mai 2014 à l’accord politique au sein d’ECOFIN (voire infra). Il convient donc d’attendre le vote du texte final.

#3 – Simplification de l’immatriculation à la TVA avec un système unique

Ce processus évitera à une entreprise de devoir s’immatriculer dans chaque pays où elle réalise des opérations. Il reprendra le principe du système déjà en place depuis 2021, soit le guichet unique de TVA OSS-IOSS (One-Stop-Shop et Import One-Stop-Shop). Rappelons que ce système OSS-IOSS s’applique actuellement à des cas particuliers décrits sur la page spéciale “guichet unique TVA” du site impots.gouv.fr.

4 – L’actualité de mai 2024 autour du projet européen de directive VIDA

Le calendrier de mise en place des mesures VIDA a fait l’objet de modifications par rapport au projet initial. C’est en mai 2024 que les ministres des finances européens en ont débattu dans le cadre d’ECOFIN.

Réunion ECOFIN des ministres des Finances en date du 14 mai 2024

Le projet VIDA, avec son nouveau calendrier (voir infra), devait faire l’objet d’un accord politique entre les membres du conseil des affaires économiques et financières (ECOFIN). Finalement, ce n’est pas le cas. Un seul pays, l’Estonie, a refusé un des trois volets de la réforme fiscale, celui qui traite des marketplaces. En revanche, le pilier 1 relatif à la facture électronique et au futur e-reporting (DRR) fait consensus.

Toutefois, lors de la conférence de presse du 14 mai, la Commission fait état de la volonté de poursuivre les échanges sur le projet tel qu’il est rédigé actuellement. L’Union européenne ne souhaiterait pas scinder VIDA et entend parvenir à faire adopter le paquet TVA global. Une nouvelle réunion se tiendra le 21 juin 2024. Le nouveau calendrier potentiel de VIDA pourrait encore faire l’objet d’un report de ce fait.

Cyrille Sautereau, président FNFE-MPE, a diffusé et commenté le 15 mai 2024 sur Linkedin le texte du compromis suite à la réunion ECOFIN. Il est téléchargeable en français sur le site de la Commission.

Nouveau calendrier VIDA envisagé : plus de deux ans de décalage pour l’e-invoicing et l’e-reporting

Le planning initial de décembre 2022 a été revu sur plusieurs points. Nous vous synthétisons le nouveau paquet sur la TVA selon le calendrier actuellement envisagé par la Commission européenne. Il reste donc en attente de validation à cette heure. Nous y avons sélectionné quelques étapes importantes du déploiement de VIDA.

Possibilité de facturation électronique obligatoire sans obtenir l’accord de l’Union européenne 

Prévue initialement pour janvier 2024, cette disposition devrait s’appliquer dès la publication des modifications de la directive TVA. Dans les pays qui souhaiteraient passer à la facture électronique obligatoire, les entreprises devront s’organiser pour recevoir des pièces de ce type. En effet, le fournisseur ne devra plus obtenir l’accord de son client.

Transactions intracommunautaires : DRR et facturation électronique

Les ventes intracommunautaires devront respecter le système de déclaration numérique (DRR) et de facture au format électronique. Initialement prévue pour début 2028, cette étape est reportée à juillet 2030.

Les entreprises qui réalisent des opérations intracommunautaires devront établir une déclaration numérique (DRR), tant côté client que fournisseur. Le délai est porté de 2 jours à 10 jours à partir de la date d’émission de la facture électronique. En outre, l’Union européenne exigera aussi de connaître les coordonnées bancaires afin de permettre un suivi des paiements. Ce système DRR remplace l’état récapitulatif ESL (European Community Sales List).

Toutes les opérations soumises à la déclaration DRR doivent faire l’objet d’une facturation au format électronique, en conformité avec le concept européen (norme EN 16931). Ainsi, ces factures comporteront obligatoirement des données structurées. Notez que le consensus obtenu le 14 mai à ECOFIN prévoit bien l’intégration de la facture hybride (Factur-X).

VIDA prévoit un délai d’émission maximum de 10 jours après le fait générateur. Notez que ce format de facture électronique deviendra indispensable sur le plan fiscal afin de déduire la TVA sur ses achats.

Report de l’harmonisation des déclarations intracommunautaires et nationales

Enfin, le planning initial prévoyait d’unifier les modalités nationales de déclaration de la facturation électronique avec la nouvelle norme européenne à 2027. Finalement, cette disposition majeure est reportée à début 2035. Plusieurs pays, dont la France, ont mis en avant l’ampleur des travaux déployés sur le plan national tant par l’administration fiscale que par les entreprises.

La facture électronique n’a pas fini de faire couler de l’encre

Les nouvelles obligations légales et fiscales en France comme en Europe supposent de franchir le pas de la dématérialisation sans attendre. En outre, c’est une manière d’avancer vers l’interopérabilité tant pour les flux nationaux qu’européens. En adoptant un outil d’automatisation de la tenue comptable comme Dext, vous aidez les TPE et PME à entamer un processus vertueux irréversible.

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